Cette chronique a été initialement publiée en septembre 2023
dans le journal La Sentinelle, par Marie-Claude Duchesne
Toute reproduction intégrale de ce texte est interdite. (L.R.C. (1985), ch. C-42)
Lawrence M. Wilson voit le jour à Longueuil, en 1896 au sein d’une famille aisée. Fils d’un père Sénateur et marchand, et d’une mère Canadienne-française, « Larry » profite d’une enfance dorée et choyée. Bilingue, il voyage beaucoup dès l’enfance et a droit à une scolarité enviable dans les Laurentides, où il côtoie la jeunesse aisée du coin… dont un certain Claude-Henri Grignon, futur auteur du roman Un homme et son péché.
À 19 ans, il s’enrôle dans le corps expéditionnaire canadien et est envoyé combattre en Europe, alors déchirée par la Première Guerre mondiale. On sait peu de choses sur l’expérience du front de Wilson : il aurait combattu en Flandres (Belgique) et aurait fait 3 ans de service. Après la guerre, il fait un séjour dans un hôpital psychiatrique de Londres. Comme des milliers d’hommes, il aura probablement souffert de ce mal « nouveau », identifié par les médecins : le choc post-traumatique. Ce sont peut-être les séquelles de la guerre qui expliquent son caractère difficile à vivre : le reste de sa vie, il sera reconnu comme un homme plutôt colérique, instable, et alcoolique… à une époque où il en fallait beaucoup pour être considéré comme tel.
Il vit un moment à New York, mais à la fin des années 1920, il travaille à titre de journaliste pour divers journaux de l’Ouest Canadien et Américain. En 1927, on le retrouve en Chine à couvrir la Révolution Chinoise. Au cours des années 1930, il entreprend une grande aventure : un tour du monde. Avec une équipe de marins, il se lance sur l’Atlantique en juillet 1932, rejoint la mer Méditerranée, le canal de Suez, traverse l’Océan Indien. Il rallie l’Indonésie, l’Australie, Hawaï, puis San Francisco… Pour finalement de décider de regagner le Canada, en contournant la pointe de l’Amérique du Sud !
À son retour au pays, Larry Wilson tente de se ranger. Son père décède et il prend en main la succession du domaine familiale. En 1934, il épouse Alice Fortier, mais le mariage ne semble pas heureux : il ne divorcera jamais, mais quittera le foyer familial et ne rencontrera que 2 fois son fils né en 1935. Alice et Larry ne seront réunis qu’à la mort de celle-ci en 1991, alors qu’elle sera inhumée auprès de ce mari qui n’a jamais partagé sa vie.
La plus grande aventure de Larry Wilson débute en 1949 : il sent l’appel du Nord. Intrigué par le rapport de l’inspecteur des mines, Joseph Obalski (1907), et le récit du touriste Frederick Pauli (1906), il se rend dans cette région encore bien reculée. Pauli y raconte avoir fait la découverte d’une source d’eau minérale, source que Wilson s’imagine déjà exploiter comme dans les stations balnéaires en vogue en Europe. C’est ainsi qu’il se retrouve en 1949 au royaume des prospecteurs, au campement minier du lac Chibougamau… Un endroit encore bien loin de ressembler à une ville.
Larry Wilson ne trouvera jamais la source minérale évoquée par Pauli quatre décennies plus tôt. Il s’improvise alors prospecteur, acquiert 18 concessions et découvre ce nouveau monde rude. Au cours du premier hiver, depuis Montréal, il fonde le premier journal de la région, le Chibougamau Miner, qui paraîtra en 2 numéros… avant de disparaître, faute de nouvelles à publier.
Wilson se passionne pour la région de Chibougamau, où il passe la plus grosse partir de l’année en compagnie de pionniers du camp minier : Jos Chibougamau, Wally McQuade, Bill Lafontaine, le couple Oakley… En 1950, il fait construire sa demeure à la décharge entre les lacs Chibougamau et Dorés : le Rainbow Lodge. La cabane devient rapidement un lieu d’accueil pour les visiteurs de la région. Bourgeois qui aime malgré tout le confort, Larry Wilson fuit les hivers nordiques pour se consacrer à l’écriture d’un livre dans sa villa de Montréal : The Chibougamau Venture, qui parait en 1952, et mieux connu sous sa traduction française : L’Appel du Chibougamau.
Larry Wilson reste profondément attaché à Chibougamau, jusqu’à la fin de sa vie. Il retourne vivre à Westmount en 1955, alors qu’il empoche finalement l’héritage de son père. Ses concessions ont rapporté, et il parvient à en tirer une petite fortune. Il termine sa vie dans un luxueux appartement à Montréal, finançant de nombreuses œuvres patrimoniales, participant activement au financement de la première bibliothèque de Chibougamau… tout en prenant soin de ne s’entourer que de gens toujours d’accord avec lui et tolérant tous ses excès. Il s’éteint en 1963, à 69 ans. Si les « années Chibougamoises » de Larry Wilson demeurent brèves dans sa vie pleine d’aventures, elles auront été les celles où il aura été le plus heureux.
Voir aussi :
- Livre : L'Appel du Chibougamau, 1956. Disponible pour consultation à la Société d'histoire ou à la Boutique.
- Journal : The Chibougamau Miner, 1949-1950. Disponible pour consultation à la Société d'histoire.
- Wikipédia : Larry Wilson
Photographies :
- Larry Wilson, dans son bureau èa Montréal, vers 1960. Fonds P33 Godefroy De Billy | P33,S3,SS4,SSS45,D4,P32
- Rainbow lodge, vers 1960. Fonds P33 Godefroy De Billy | P33,S3,SS4,SSS45,D6,P1
- Larry Wilson et Marie McQuade au Rainbow Lodge. Collection P24 Nelson Bidgood | P25,S1,D35,P9
- Caricature : Larry Wilson arrête de boire, 200 saloons ferment ! Date inconnue, Fonds P33 Godefroy De Billy