Cet article a été initialement publié dans le journal La Sentinelle, le 30 novembre 2022.
Par Marie-Claude Duchesne
Thomas Fecteau voit le jour en 1925, à Sainte-Marie-de-Beauce. Fils d'un commerçant de meuble, il grandit au sein d'une famille qui gravite dans le domaine de l'aviation. C’est justement ses oncles Joseph et Arthur Fecteau, pionniers de l'aviation de brousse au Québec, qui influencent le parcours du jeune homme. C'est à l'âge de 12 ans que Thomas Fecteau vit son baptême de l'air. Il a aussitôt la piqûre pour l'aviation.
En 1945, Thomas entreprend le « Cours général de mécanique » à l'École technique de Québec. Deux ans plus tard, il entreprend une formation de pilotage à l'aéroport de L'Ancienne-Lorette. Il obtient sa licence de vol privé la même année. Sa décision de devenir pilote inquiète toutefois grandement sa famille. En 1939, son oncle Joseph Fecteau et son équipage étaient décédés dans des circonstances tragiques, après s'être égarés en vol au Labrador. L'aviation en est seulement à ses débuts et il s'agît d'une carrière risquée.
En 1948, Thomas s'établit à Senneterre en Abitibi, où il rejoint l'entreprise de son oncle Arthur, A. Fecteau Transport Aérien, qui dessert alors l’Abitibi et la Baie-James. Il y œuvre à titre de pilote de brousse jusqu'en 1955.
À l'époque la région Nord-du-Québec n'est desservie par aucune route carrossable ni aucune voie ferrée. Les pilotes de brousse ont alors la charge d'assurer des liaisons régulières entre les communautés Cris, les camps miniers et les secteurs forestiers isolés. Les pilotes volent « à vue », sans instruments, sans signaux radios et avec des cartes souvent incomplètes. Le métier requiert de grandes connaissances techniques et les pilotes doivent être en mesure de se débrouiller en mécanique et avoir un le sens de l'observation. Lors de chaque sorties, Fecteau doit aussi être équipé de matériel de survie pour se débrouiller en forêt en cas de problème.
Thomas Fecteau rencontre Françoise Gaudreau à Senneterre en 1949. Originaire de Cap-St-Ignace, la jeune femme est une amoureuse du Nord et des bois. Fille d’arpenteur, elle passe plusieurs étés avec sa famille dans le Nord-du-Québec, prenant part aux expéditions d'arpentage de son père. Thomas et Françoise débutent leurs fréquentations en 1952. Le jeune homme est alors chargé de livrer le courrier et du matériel au lac Opémiska, alors que la famille prend part à l'expédition d'arpentage. Ces fréquentations qui se déroulent au cœur des bois les mèneront à l’église. Le couple se marie en 1953 à Cap-St-Ignace.
Les mariés s’installent à Senneterre et Thomas Fecteau continue d’œuvrer comme pilote de brousse. Il assure le transport de prospecteurs, d'arpenteurs, de personnel médical, des malades, ainsi que de courrier et de matériel pour les diverses entreprises. Il est aussi affecté au transport de castors vers les aires protégées du Nord-du-Québec, dans le cadre de programmes de préservation de ces animaux. Françoise qui souffre de la solitude rejoint un temps son époux et le couple s’installe dans une tente au lac Caché. Elle y enseigne le canot, la pêche et la vie en forêt à son époux. Leur vie de jeunes mariés se déroule comme leurs fréquentations : au creux des bois.
En 1955, après la naissance de leur 1er enfant, la famille quitte l'Abitibi pour s'installer à Rimouski. Thomas Fecteau y travaille comme pilote de ligne pour Québécair. Il y œuvre au transport de passagers et de matériel en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent et sur la Côte-Nord. Il participe notamment au transport de matériel pour la construction des lignes de surveillance radar qui se déploie un peu partout dans le nord canadien. Il est ensuite embauché comme chef pilote au sein du nouveau service aérien gouvernemental et participe aussi à la mise en opération d'une flotte d'avions pour combattre les feux de forêt. En 1975 et 1976, Thomas prend aussi part à la « Bataille des gens de l'air », qui visait à faire reconnaître les droits des employés francophones de l’industrie aérienne.
Il prend finalement sa retraite en 1984, qu’il écoule à travailler à la création d'un musée consacré à l'aviation à Sainte-Marie-de-Beauce. Le musée de l’Aviation de Sainte-Marie voit le jour en 2011. En 2009, il publie même ses mémoires avec son épouse, revenant sur sa carrière de pilote de brousse et le travail d’arpenteur du père de Françoise. En 2015 le documentaire L'Amour a des ailes, revient sur la carrière du pionnier de l'aviation. Françoise Gaudreau s’éteint malheureusement en 2014. En 2019 à son tour, Thomas Fecteau prend son dernier envol. Il avait 94 ans.
Photographies | Fonds P171 Thomas Fecteau et Françoise Gaudreau
- Thomas Fecteau et Françoise Gaudreau pendant leur fréquentations au lac Opémiska, 1952. P171,S2,SS2,D26,P7
- Thomas Fecteau et Françoise Gaudreau à la base d'Air Fecteau du lac Caché. 21 décembre 1952. P171,S2,SS2,D23,P1
- Thomas Fecteau, pilote. Date inconnue. P171,S2,SS2,D71,P4
- Les employés de la base d'Air Fecteau au lac Caché, hiver 1954. Notament : Thomas Fecteau et Robert ''Bob'' House. P171,S2,SS2,D43,P3
- Françoise Gaudreau au lac Opémiska, 1952. P171,S2,SS2,D26,P9
Pour aller plus loin :
- Livre : Au delà du 48e parrallèle. Mémoires d'un pilote de brousse.
- Thomas Fecteau sur l'Encyclopédie Wikipédia.