Ce texte est parut dans le journal La Sentinelle du 22 février 2023
Par Marie-Claude Duchesne
Los Angeles, 28 juillet 1984. Un coureur entre dans le stade, brandissant bien haut une torche enflammée. Les XXIIIe Jeux Olympiques sont lancés. Parmi les 6 829 athlètes qui prennent part aux 221 épreuves de l’olympiade se trouve… 5 chibougamois.
Henri Sassine qui a vu le jour en Égypte en 1940, est dans sa jeunesse, un enfant sportif, actif et un peu turbulent. À 13 ans, son professeur d’éducation physique – probablement à la demande de sa mère, aussi enseignante – décide qu’il est temps de canaliser l’énergie débordante d’Henri, et l’initie à la discipline de l’escrime. Il est alors bien loin de se douter que ce sport occupera une place majeure dans sa vie.
Après l’obtention d’un diplôme d’enseignement de l’éducation physique, il fait ses valises. À seulement 24 ans, il immigre au Québec. Il enseigne à Montréal pendant près de 2 ans, avant d’emménager à Chibougamau en 1966. L’année suivante, il y fonde un modeste club d’escrime pour initier à son tour, ses élèves intéressés à la discipline.
Les premiers entraînements et les premières compétitions sont plutôt rocambolesques : l’équipe possède peu de matériel d’entraînement, celui-ci plutôt vieux et déglingués. On se débrouille avec les moyens du bord. Les jeunes athlètes le réalisent particulièrement lorsqu’ils sont appelés à affronter les athlètes de clubs réputés. Peu importe : la volonté, la discipline et le cœur y est. Et les athlètes chibougamois performent.
À l’époque Henri Sassine a déjà su rallier une partie de la communauté à sa cause. Il fait aussi la rencontre de Claire Verreault – qu’il épouse en 1974 – qui s’implique et devient rapidement un pilier du club Scaramouche. Elle devient directrice et entraîneuse auprès des athètes plus jeunes. Leurs efforts portent fruit : en 1978 les athlètes du club Scaramouche remportent une médaille d’or aux championnats nationaux !
Il s’en suivra une série de succès sur les scènes nationales et internationales. En 1982, les sabreurs du club s'illustrent aux jeux du Commonwealth et aux Championnats du monde d'escrime. La même année, Henri Sassine reçoit le titre d’entraîneur de l’année au Québec. Le club compte alors une quarantaine d’athlètes, dont Jean-Paul Banos et Jacynthe Poirier qui s’illustrent sur la scène internationale. L’année suivante, Daniel Perreault devient Champion du monde junior, devenant le premier escrimeur canadien à remporter un tournois international de haut-niveau.
En 1984, le club qui s’est taillé la réputation d’être une pépinière d’escrimeurs, fait son entrée sur la scène olympique. Henri Sassine devient aussi l’entraîneur de l’équipe olympique canadienne. Il en sera de même pour les Jeux de Séoul en 1988, de Barcelone en 1992 et d’Atlanta en 1996. Au fil des ans, 8 athlètes chibougamois représenteront le pays lors des J.O.
Au même moment, Claire Verreault et ses enfants Sami et Sandra Sassine s’illustrent aussi sur la scène nationale en escrime. Claire qui avait toujours préféré les sports d’équipes et qui s’était impliquée au départ au club pour aider son époux, devient à son tour Maître d’armes et gagne une solide réputation dans le monde sportif de haut-niveau.
En 1997 toutefois, la famille Sassine quitte la région pour s’installer à Montréal. Ils continuent un moment de s’impliquer un moment au club Scaramouche, mais avec une telle distance, cela ne pouvait pas durer éternellement. Les années 2000 seront plus difficiles pour le club : l’éloignement du club le financement des compétitions laborieux et les entraîneurs sont difficiles à trouver. Le petit club qui était parti de rien avant de se tailler le titre de cœur de l’escrime au pays ferme finalement ses portes en 2005.
S’il reste peu de traces de cet héritage ici, l’expertise développée à Chibougamau continue de rayonner. La famille Sassine fondait en 2002 le club Cœur de Lion à Montréal, où Sami Sassine enseigne toujours. Claire Verreault a été pendant un moment présidente de la fédération québécoise d’escrime et entraîneuse de haut-niveau. Henri, toujours actif dans le milieu de l’escrime, ayant mené sa 8e athlète chibougamoise aux J.O. de 2008 et 2012 : sa fille, Sandra Sassine. Henri est aujourd'hui considéré comme le père de l’escrime au Canada.
Henri Sassine s'est éteint le 11 février 2024.
Pour aller plus loin :
- Balado : La famille Sassine. Des figures marquantes de l'histoire de la Baie-James, 2021.
- Archives : Fonds P100 Club Scaramouche, Société d'histoire de la Baie-James.
- Wikipédia : Club Scaramouche ; Sandra Sassine ; Jean-Paul Banos ; Jean-Marie Banos
Photos : athlètes et entraîneurs du club Scaramouche, dans les années 1970. SHBJ, Fonds P100 Club Scaramouche