Cette chronique a été initialement publiée dans le
journal La Sentinelle, par Marie-Claude Duchesne
Toute reproduction intégrale de ce texte est interdite. (L.R.C. (1985), ch. C-42)
Ma grand-mère avait une boîte de photos dans sa chambre. Elle renfermait les portraits de ses parents, de ses frères et sœurs, de ses grands-parents, nés en 1850. De sa jeunesse vécue dans les années 1930, sur une ferme du nord du lac Saint-Jean. Ado, j’ai passé beaucoup de temps à scruter ces images, à les identifier. J’en ai encore des souvenirs très clairs. J’ignore ce que sont devenus ces photos. Elles doivent dormir dans un garde-robe, chez un cousin. Elles ont peut-être été dispersées aussi. Elles finiront peut-être leur parcours, un jour, chez un collectionneur. Il n’y aura plus que des visages, et personne pour reconnaître sur ces photos, ma grand-mère, 14 ans, et ses sœurs, coquettes, revenant de la messe ; ou encore sa grand-mère Malvina, sage-femme au visage sévère (elle l’était selon grand’meman). Pire, elles finiront peut-être noyées dans un dégât d’eau, ou à la poubelle.
Les centres d’archives reçoivent régulièrement des dons de documents anciens. Des dons toujours bienvenus, d’individus, d’organismes ou d’entreprises, qui offrent ce patrimoine à la communauté, puisque les centres d’archives sont des services accessibles au public. Certains documents que nous recueillons ont parfois beaucoup souffert et sont dans des états malheureux, qui auraient pu être évités.
Voici quelques conseils de base pour bien préserver vos archives familiales. Pas pour moi, ni pour les centres d’archives. Mais pour avoir un passé à léguer à vos proches.
Conservation
La première étape pour assurer la protection de vos souvenirs de famille, est de leur offrir des conditions d’entreposage sécuritaire. Pour y arriver, voici 3 bases à retenir : lumière, humidité, propreté.
LUMIÈRE : La lumière est l’ennemi de vos trésors familiaux. Avec le temps, la lumière altère les pigments des photos, et ces dommages sont irréversibles. Quant au papier, il devient jaune et fragile en peu de temps. Si vous souhaitez afficher des photos de familles sur vos murs, mieux vaut en faire des reproductions et conserver les photos originales dans une boîte.
HUMIDITÉ : Évitez de conserver vos documents anciens dans un endroit trop sec et chaud – comme dans un solarium ou dans la même pièce que le poêle à bois par exemple – dans un endroit humide ou à risque en cas de dégât d’eau – comme le sol de la cave... Ou dans le garage. Ce genre de conditions peuvent faire sécher et craquer le papier, ou encore faire courber les photos. L’humidité est aussi propice au développement de moisissures, un grand ennemi des archives. La tablette du haut d’un garde-robe peut très bien faire l’affaire. L’important c’est de tenir vos documents éloignés de ces sources possibles de dommages.
PROPRETÉ : Finalement, entreposez-les dans un endroit propre. Certains insectes qui peuvent être attirés par la saleté et les miettes de nourriture peuvent aussi s’en prendre aux documents.
Si vous voulez pousser plus loin vos efforts, rangez vos photos dans des pochettes d’archivage alcalines ou encore dans des pochettes de polypropylène. ATTENTION : n’utilisez pas de pochettes en vinyle, ce matériel pourrait abîmer vos photos. Pour ce qui est des documents papier, rangez-les soigneusement dans des dossiers en carton, bien identifiés. Ces matériaux sont coûteux (Environ 1$ par photo !). C'est d'ailleurs pour cela qu'ouvrir un fonds d'archives est une option intéressante : c'est gratuit. Après tout, on ne s'improvise pas archiviste, c'est un métier.
Manipulation
Avez-vous déjà vu une photo avec une trace de doigts bien imprimée ? Nos mains sont naturellement légèrement huileuses et acides. Les photos peuvent rester marquées par les résidus invisibles de nos doigts. Nul besoin de porter des gants comme les archivistes pour fouiller dans sa boîte à souvenirs. Se laver les mains avant de les manipuler et tenir ses photos par les coins peut éviter bien des dommages.
Exemple de photo abîmée par des traces de doigts.
Photo : Georges, Wally McQuade, Ray Wilkie, Helène Lavoie et Joseph Mann à l’hôtel Waconichi vers 1954. Collection P24 Nelson Bidgood | P24,S1,D8,P12
Identification
Si vous souhaitez que vos trésors familiaux demeurent dans la famille pour longtemps et soient appréciés à leur juste valeur, il est bon de les identifier, pour que les visages et les évènements sur les photos ne sombrent pas dans l’oubli. Cette tâche demande beaucoup de temps. Commenter les images d’une vie ne se fait pas en une journée. C’est un projet de longue haleine. C’est toutefois ce qui donne toute sa valeur au trésor familial. Si vous décidez d’écrire au verso de vos photos, utilisez absolument un crayon de plomb : les stylos peuvent déteindre sur les autres photos. Attention à ne pas ‘’creuser’’ le papier avec la pointe du crayon. Vous pouvez aussi numéroter vos photos et les décrire dans un cahier séparé. Finalement, il est intéressant d’indiquer les informations suivantes : Quel évènement ? Qui est-ce ? Quand ? Où ?
Il existe bien d’autres manières de favoriser la pérennité de vos archives familiales. Chaque type de documents a ses besoins particuliers. N’hésitez-pas à écrire ou téléphoner dans le centre d’archives le plus près de chez vous pour plus de conseils… pour avoir un passé à léguer.
Photo de couverture : exemple de photographie abimée. Elle n'a pas été conservée à plat, a été altérée par un mauvais entreposage.
Rallye international de motoneige de Chibougamau [197-]. Collection P162 Robert Bolduc | P162,S1,D3,P13.