Par Alexandrine Langlois, stagiaire en histoire
Toute reproduction intégrale de ce texte est interdite. L.R.C. (1985), ch. C-42
Muguette Labonne naît en 1933 à Amos, en Abitibi. Comme beaucoup de jeunes filles de son époque, elle étudie sous l’instruction de religieuses, les Sœurs du Sacré-Cœur et les Sœurs de L’Assomption. Elle y développe des compétences en théâtre et en chant. Son talent lui vaut de nombreux rôles principaux dans les pièces de théâtre, et elle se démarque également au sein de la chorale de l’école. Son parcours scolaire s’arrête en neuvième année. Sa formation, elle l’acquiert au cours de sa vie. Elle le dira elle-même : « Je suis quelqu’un qui m’est bâti moi-même. »
En 1953, Muguette rencontre dans sa ville natale, Félix Bénédetti, un jeune Français tout juste arrivé à Amos. De leur union naissent deux enfants. Comme beaucoup d’hommes à l’époque, Félix trouve du travail dans une nouvelle région, où les opportunités dans le secteur minier sont nombreuses. En 1963, la famille déménage dans la région du Nord-du-Québec, car Félix est engagé comme machiniste à la mine Opémiska de Chapais. Le voyage vers Chapais s’avère difficile : la route gravelée est cahoteuse, ce qui complique les choses avec deux jeunes enfants, dont un bébé de six mois !
Au tout début, Muguette n’est pas heureuse de vivre à Chapais. Elle en parle avec Félix et le couple décide de rester à Chapais. Loin de se laisser décourager par la situation, Muguette s’engage activement dans sa nouvelle communauté. Elle y fera une différence, notamment dans le domaine de l’éducation. Après s’être investie pendant quatre ans dans le mouvement scout de Chapais, elle devient, en 1966, vice-présidente du comité de parents. C’est à partir de ce moment qu’elle développe une véritable passion pour le monde de l’enseignement. En 1967, elle se présente aux élections scolaires, et est élue, devenant ainsi la première femme commissaire en Abitibi-Témiscamingue. Elle siège à la Commission scolaire régionale Harricana, à Amos, où elle occupe le poste de vice-présidente. La région étant vaste, les représentants des localités doivent parcourir de grandes distances pour se réunir. Muguette parcourt plus de 400 km, été comme hiver, tous les quinze jours. Elle effectue ce trajet pendant huit ans, jusqu’à la création de la nouvelle commission scolaire de Chapais-Chibougamau. Pour elle, « c’est le prix à payer pour avoir des choses pour nous », reflétant ainsi son engagement envers le bien-être de la communauté et l’éducation des enfants de Chibougamau et de Chapais.
Elle participe activement à la fondation de la Commission scolaire de Chapais-Chibougamau et en sera la présidente pendant près de 15 ans. Elle contribue notamment à la construction de la nouvelle polyvalente à Chapais, permettant à trois 350 étudiants de poursuivre leurs études sans avoir à parcourir près de 100 km par jour. En 1974, son travail exceptionnel est reconnu par l’attribution de l’Ordre du mérite scolaire. En 1975, elle est élue présidente du conseil des commissaires, puis en 1976, présidente exécutive.
Son impressionnant parcours se poursuit au-delà du milieu scolaire. Elle devient agente de liaison pour la Commission régionale de développement de l’Abitibi-Témiscamingue, participe à divers projets municipaux pour la commission des Loisirs, et agit comme organisatrice en chef du Parti libéral de 1973 à 1977, où elle est en contact avec diverses personnalités publiques, telles que des ministres et des députés. Elle termine sa carrière comme directrice du personnel pour l’entreprise forestière Barrette Chapais Ltée, où elle est l’unique femme parmi les cadres supérieures. Elle joue un rôle clé dans le maintien de bonnes relations entre les 450 employés, majoritairement masculin.
Évoluant dans une époque où les femmes sont souvent reléguées au second plan, Muguette Labonne défie les attentes et brise les barrières. Grâce à sa force et à sa détermination, son parcours, jalonné d’initiatives audacieuses, témoigne d’une volonté inébranlable de transformer le paysage scolaire. En scrutant sa vie et son héritage, nous découvrons, non seulement, une pionnière, mais aussi une femme qui a su faire entendre sa voix.
Muguette Labonne-Benedetti s'est éteinte en 2022.
Pour aller plus loin :
- Livre : A.F.E.A.S. Dans l'histoire... les femmes aussi, au Saguenay-Lac-St-Jean. Éditions Sc. Moderne, 1980, volume 2, p. 106-108.
- Archives : Société d'histoire de la Baie-James, collection P130 Muguette Benedetti
Photographies :
- Muguette Labonne-Benedetti, [197-]. Société d'histoire de la Baie-James, P130,S6,D5,P1
- Inauguration de l'École secondaire Le Filon de Chapais, [1979?], P130,S6,D2,P7
- Discours de Muguette Labonne Benedetti lors de l'inauguration de l'École secondaire Le Filon de Chapais, [1979?], P130,S6,D2,P1
Ce billet de blogue est publié dans le cadre du projet Femmes du Nord, une histoire des jamésiennes, grâce au soutien financier de l'Administration régionale Baie-James, du Programme Mitacs, de l'Université du Québec à Chicoutimi, du député d'Ungava.